Je m'présente, je m'appelle Min Di. J'voudrais bien réussir ma vie, être aimééééééée /SBAFF/ Hum, pardon, première ligne & je m'égare... Rah mais c'est pas d'ma faute! Je le hais. Je le hais. Je le hais! Qui ça? Mon superviseur. Mon supérieur. Je suis que stagiaire moi! Stagiaire à Vogue, certes, c'est pas rien mais je veux être journaliste, pas biographe. Ou autobiographe. Parce que l'exercice, c'est écrire l'histoire de ma vie. Ma vie qui ne mérite même pas cinq lignes, tellement elle ferait mourir d'ennui quiconque entreprendrait de la lire. Oui, ma vie ne mérite même pas cinq lignes à la rubrique nécrologique du plus miteux des journaux locaux. Mais il veut que je lui vende du rêve, ben je vais lui vendre du rêve. Allez, Min Di, remonte tes manches &... Taillaut! (J'ai cherché dans le dictionnaire comment ça s'écrivait &... J'ai pas trouvé.)

Je pourrais lui raconter mon enfance banale & sans histoire dans un petit village de pêcheurs au fin fond de la campagne sud-coréenne. Mais cela romprait le charme. «Je suis née il y a de ça 20 ans, dans une riche famille d'industriels séoulites. Un père toujours absent, une mère cherchant de l'affection dans les bras du premier homme venu, de grandes réceptions somptueuses dans l'appartement familial où le champagne, le caviar & la drogue coulait à flots... Péchés de luxure qui un jour me retombèrent dessus. A peine âgée de 10 ans, je fût violée au cours d'une de ces soirées, par un homme dont l'odeur m'était étrangère & dont je ne connaitrais jamais le visage. Il était entrée dans la chambre où je tentais de dormir malgré le vacarme qui provenait du grand salon. Ma chambre s'était éclairée de la lumière chaude du couloir. Puis plus rien. Je pensais alors que quelqu'un s'était trompé de porte en croyant trouver derrière le panneau la salle de bains, ou les toilettes, afin d'y satisfaire un besoin primaire... Mais je compris bien vite que je n'étais plus seule dans cette chambre impersonnelle qui pourtant était la mienne. Une lourde respiration saccadée se faisait entendre au-dessus de mon lit... Le reste de la nuit fut un calvaire & ce souvenir vient bien souvent hanter mes nuits difficiles. Après de tels événements, il est impossible d'avoir un rapport au monde «normal»...»

Comment ça, j'en ai fait un peu trop? Vous avez cru à ces affabulations? Pardonnez-moi... C'est que je sais raconter une histoire alors. Vous m'en voyez ravi. Mais vous serez déçus d'apprendre que rien de tout ça ne m'est arrivé. Après un enfance douce & tranquille entourée d'une famille aimante, mon père, ma mère, ma grand-mère, tous me soutenaient dans mon apprentissage de la vie... Loin du faste des grandes villes, j'étais une petite fille simple, bonne élève, polie, curieuse, respectueuse... L'enfant idéale en quelque sorte. Mais vous vous doutez bien que ça n'a pas duré. Je pense que vous l'avez déjà compris, n'est-ce pas? Qu'est-ce qui a bien pu me faire changer? Ne vous a-ton pas appris, au collège que dans toutes les belles histoires déboule au moment où l'on s'y attends le moins celui qu'on appelle... L'élément perturbateur? Dans mon cas, ce fut une rencontre qui signa l'arrêt de mort de la Min Di parfaite. Oh, je le suis encore, parfaite, mais plus de la même manière.

C'était à ma deuxième année de collège, elle s'appelait Gyu Ri, elle était belle, elle était flamboyante & elle venait de la ville, envoyée chez ses grands-parents car ses parents ne pouvaient plus s'en occuper. Elle a débarqué dans notre salle, souriante, une jupe plus courte que la moyenne, maquillée, bronzée... Je trouvais ça à la fois outrageant mais je ne pouvais m'empêcher d'être subjuguée... Elle était tout ce que la fille de pêcheurs n'était pas. J'enviais sa facilité à s'exprimer avec quiconque, son sourire permanent, son succès auprès des garçons. Oui, je l'enviais. Je voulais tellement être comme elle. & pouvoir l'approcher, lui, Junk Kook, que j'épiais depuis ma porte de casier. J'étais bien trop timide pour lui adresser la parole, bien que nous soyons dans la même classe, lui & moi. Mais il était toujours entouré de son groupe d'amis ou de fans hystériques, face à elles, je n'avais aucune chance. & puis je voyais bien que la seule que regardait Jung Kook, c'était Gyu Ri. Ah oui, je la détestais & l'enviais à la fois cette Gyu Ri. Je crois bien que toutes les adolescentes sont passées par cette étape cruciale. & pour la plupart elles en ont souffert comme moi. Alors certes, ce n'a guère d'intérêt de vous raconter ça, mais ce fut le début du changement...

Car même si je pensais être discrète, ma pire ennemie avait remarqué mon petit manège. Bien que je ne lui avais jamais parlé, elle proposa de rentrer avec moi ce soir-là. Trop abasourdie, je ne sus que répondre. & me voilà en sa compagnie à attendre le bus qui devait me ramener dans mon village de campagne. Nous discutâmes un peu, enfin, elle combla surtout mon silence par ses babillages incessants, mais que je finis par trouver agréables. La seule chose que j'eus retenu de ce bavardage, c'était qu'elle voulait m'aider. M'aider moi? Une pauvre fille discrète, anodine, invisible aux yeux de tous? Mais qu'avais-je fait pour mériter ça? & sans réfléchir, encore sous le choc, j'acceptai de passer le week-end chez elle. Deux jours décisif. Mes parents ne me reconnurent pas tout de suite à mon retour de chez Gyu Ri. Chez elle, j'avais découvert... La télévision! Ah? Je ne vous l'avait pas dit? Oui, oui, il existait, & il existe encore, des réfractaires dans le genre de mes parents qui refusaient d'avoir ce média si magnifique sous leur toit. Sur l'écran, j'ai découvert le monde des Idols & des dramas, les strass & les paillettes dans des magazines, je découvrais la vie... Le deal fut le suivant. Elle faisait de moi une fille comme elle en échange de la rédaction de ses devoirs. Car la condition pour qu'elle retourne vivre chez ses parents était que sa moyenne remonte en flèche. Marché conclu. Mes cheveux s'éclaircirent, mes quelques rondeurs disparurent, ma peau trouva quelques couleurs sous son pinceau de maquillage... J'étais devenue son élève & elle mon maître.

Bon, je passerais les passages sur la réussite de mon entreprise, premier amour, premières désillusions, premier chagrin... Car celui que je prenais pour le Prince Charmant était du genre volage & je me retrouvais bien vite avec le cœur brisé. Cœur qui n'était pas près de supporter une telle épreuve. Surtout que Gyu Ri, grâce aux devoirs que j'effectuais à sa place, avait pu retourner chez ses parents. La seule amie que j'avais eu m'avait abandonné... Je mis énormément de temps avant de m'en remettre mais quand je retrouvais enfin la force de marcher la tête haute, je n'étais plus vraiment la même. Tous, ils allaient tous payer pour lui. Je devins acide, manipulatrice, tous ceux qui osaient s'approcher de moi étaient soumis à tout un tas de tests & d'épreuves & ceci de manière inconsciente... Je m'aimais à m'insinuer dans leur vie, j'étais curieuse & maline, je savais décrypter les émotions, même fugaces, lorsqu'elle passait sur un visage. J'étais une véritable commère. & je savais en faire profiter tout le monde. Personnels, élèves, personne n'échappait à mon regard & à mes articles, car quitte à avoir une certaine aisance à l'écrit, autant en faire bénéficier la majorité. Béni soit le prof qui m'avait inscrite de force au journal du Lycée. Grâce à lui, j'en étais devenue la rédactrice en chef au fil des ans & j'en étais également la secrète & mystérieuse «Gossip Girl»...

Aussi, j'obtins de mes parents le droit d'aller finir mon lycée à la capitale. Ah, Séoul... J'en avais tellement rêvé... De ce lycée couplé à une Université réputée pour ses études de journalisme. J'avais trouvé ma voie. En plus, là-bas personne ne me connaissait. J'allais pouvoir recommencer une nouvelle vie, en quelque sorte. J'étais logée chez une tante, vivant seule avec son chat. Nous vivions dans un petit appartement mais elle était rarement là. Car si vous pensiez que j'étais une fêtarde invétérée, ce qui n'est pas totalement faux, eh bien sachez qu'elle est pire que moi! On peut même dire que c'est elle qui m'a initiée & bien souvent ramenée ivre morte jusque dans mon lit. Oui, ça c'est bien quelque chose que je n'ai jamais réussi : tenir l'alcool... C'est elle aussi qui me poussa à me teindre les cheveux en blond. Mais je n'eus le droit de le faire qu'une fois rentrée à l'Université. J'y accédais haut la main, terminant dans les premières de ma promotion. Les études n'ont jamais été un frein pour moi, & même ivre morte, je pouvais rédiger une dissertation sur le bien-fondé de la philosophie. Blonde, habillée à la dernière mode, j'étais une des coqueluches de l'établissement. & c'est probablement ce look recherché qui m'a permit d'obtenir ce stage. Non mais vous imaginez! Un stage à Vogue! LE magazine de mode! J'ai encore du mal à m'en remettre & je saute encore de joie le matin en me levant pour me rendre au siège social.

Certes, j'avais dû écraser bon nombre de personnes pour en arriver là, mais le jeu en valait la chandelle! & puis, si je me débrouillais bien, je pourrais peut-être y rester... Car écrire un article sur la crise immobilière en Mongolie ou sur l'intégration des koalas au Canada, ça va bien cinq minutes, mais les rencontres avec les artistes, les chroniques sur les derniers restaurants à la mode ou les expositions à ne pas rater, ça, j'adorais! Les tabloïds très peu pour moi, même si l'on appréciait ma compagnie pour tous les ragots que j'étais capable de débiter mais je sais bien que l'on ne s'intéresse à moi que pour ça & je le rends bien. Mes véritables amis, ceux sur qui je peux me reposer en cas de coup dur, n'existent pas. Je me suis construite seule & dans ce milieu, on ne peut compter sur l'aide de personne. Alors autant ne penser qu'à soi-même! Mais je ne suis pas seule non plus! J'ai des « connaissances » & qui me servent dans un certain intérêt. Comme Sato Takiko par exemple! Je l'ai rencontré un soir, elle m'a raconté sa vie, ses problèmes que j'avais deviné au premier regard posé sur elle. J'avoue qu'elle m'a bien divertie ce soir-là, j'aime aller en discothèque m'amuser, mais ça va bien cinq minutes. Elle a su me captiver l'espace d'une heure ou deux. On s'est échangé nos numéros & elle m'a invité chez elle, une fois j'ai fait la rencontre de sa colocataire, Yong Mi Sook, ainsi que celle de son voisin.

Vous pourrez me trouver obsessionnelle, mais je cache une certaine fragilité derrière des mots durs & un caractère autoritaire, je suis timide de nature & changer d'apparence n'aura rien fait pour changer ça. Je suis incapable d'aborder un homme... Aussi Hong Nam Jin est devenue ma nouvelle obsession. Je sais tout de lui, son adresse, grâce à Takiko, mais également son prénom, son âge, son travail & même le nom de celle qu'il aime... Le jour où j'eus vent de cette information, le monde s'effondra autour de moi. Noyant mon chagrin dans l'alcool, je racontai tout à Mi Sook. Elle me dit qu'elle était dans la même situation & qu'elle avait un plan. J'ai à peine réfléchi, moi qui d'habitude pèse le pour & le contre avant d'agir, j'ai adhéré à tes propos. Je suis prête à tout pour me l'approprier. & la première à l'approcher subira ma colère. Pour lui, je serais prête à changer, à tempérer mes propos & mon caractère, mais je ne le céderais à personne. Personne! Nam Jin, je te veux, je t'aurais ♥ Mais je veux le voir sourire, je veux qu'il me fasse sourire.

M*rde, voilà que je lui ai raconté ma vie. Qu'est-ce que je fais? Bon, j'efface cette fausse partie sur mon enfance & je reprends tout depuis le début. « Je m'appelle Kim Min Di. Kim. Le nom de famille qui doit être porté par plus de 90% de la population sud-coréenne. & j'exagère à peine. Je préfère mon prénom. Min Di. Il sonne orientale, sent bon la rose & l'encens. Quelque chose de Bollywood. Je suis née il y a de ça 20 ans, dans un petit village de pêcheurs. J'y vécu de douces années entourées de mes parents & sans télévision! Qui l'eut cru à notre époque...»