Voici une journée des plus banales dans les bureaux de Vogue Korean, à travers la vitre de mon bureau, je peux voir la dizaine de stagiaires s’activer de part et d’autre de la grande salle où se trouve la plupart des employés du magazine. Je fais parti des chanceux, ceux qui ont leur propre bureau et qui ont même la chance d’avoir des stagiaires sous leurs ordres…enfin en théorie. Mon bureau est très stylisé en bois blanc et au design hyper soigné. La chaise sur laquelle je suis assis et en cuir de même couleur et le mac qui se trouve en face de moi, affiche actuellement le dernier article que je suis en train de réaliser. Le sujet ? Les robes de mariés et costumes pour homme pour cet été. Un article vivement attendu par tous les amoureux du pays qui souhaitent voir à travers les pages de mon article les tendances de l’année : Costume 3 pièces ou 2 pièces pour les hommes ? Robe bustier ou à manches pour les femmes ? Telle est la question perpétuelle des lecteurs suivant à la lettre les tendances crée par les plus grands stylistes.

Le mariage…C’est bien un mot qui me fait à la fois rêver et peur. Se marier représente tellement de chose à mes yeux que je ne suis même pas sur d’avoir assez de courage pour m’ouvrir totalement à une autre personne. Méfiant ? Surement. Une méfiance qui m’a été transmise lorsque j’étais encore bien jeune. Je me souviendrais toujours de ce jour où ma mère a quitté mon père, en lui disant qu’elle n’était plus celle qui pourrait la rendre heureuse. Une vraie déchirure pour ce père qui aimait sa femme au point de se détruire à petit feu. Quelle terrible image pour le petit garçon de neuf ans que j’étais de voir son propre père, son modèle, plonger dans l’alcool sans pouvoir faire quelque chose pour le sauver. Bien sur ma mère a refait sa vie de son côté, s’est mariée et à même eu de nouveaux enfants que je me suis toujours refusé de rencontrer. Pour quelles raisons ? Peut être parce que je la méprisais d’être la cause du désespoir de mon père si adoré.

C’est à cette période là, que mon caractère méfiant et surtout orgueilleux s’est développé. Comment ma mère avait-elle pu abandonner de la sorte son mari et surtout son enfant ? L’enfant que j’étais ne l’a pas supporté et lui a bien fait regretter de l’avoir fait. Mon naturel calme et sensible disparaissait à chaque fois que je la voyais remplacé par de l’indélicatesse et surtout d’un orgueil à faire pâlir de honte l’homme que je suis désormais. D’ailleurs une haine qui ne s’est jamais arrêté car à l’âge de treize ans j’ai simplement décidé de ne plus l’appeler « maman ». Je voyais qu’elle vivait mal la situation mais mon orgueil était bien trop tenace et cela a duré jusqu’à qu’elle laisse tomber l’éponge et décide par elle-même que je n’avais plus besoin de venir la voir, que je pouvais faire ce que je voulais. Ce fut la dernière fois que je l’ai vu. Je n’oublierais jamais son regard rempli de larmes et surtout de douleur qu’elle affichait en face de moi. A l’époque je n’avais pas encore maitrisé mon caractère, et j’étais resté de marbre. C’est désormais une chose que je regrette de tout mon cœur et dont j’aimerai pouvoir effacer la trace. Mais il est impossible de le faire alors pourquoi donc y penser ? A part à me faire encore plus souffrir…

Au collège, j’ai commencé à me passionner pour l’écriture où à travers mes pages, je laissais tout simplement parlé mon cœur, ce fut mon premier journal intime. Une chose bien étrange pour un garçon mais le garçon devenu solitaire que j’étais avait bien trop d’orgueil et de rancœur pour pouvoir dire ouvertement que sa vie n’était pas si belle que tout le monde semblait le croire. A cette époque, mon père buvait au moins 20 bouteilles de sake, au point de faire parfois des comas idylliques alors à force j’avais compris ce qu’il fallait faire. Tous les soirs se répétait ce perpétuel rituel. Lorsque je voyais qu’il en pouvait plus, je le menais aux toilettes pour le faire vomir. J’ai toujours encore aujourd’hui les marques de ses dents qui se sont à maintes reprises repliées sur ma main. En dernière année au collège, le Yasushi d’avant avait bien changé. Je m’étais totalement calmé, posé et pour mes camarades j’étais le parfait sempai sur lequel on pouvait compter. Ils me considéraient tous comme un jeune homme calme, diplomate, parfois un peu indélicat mais rien de bien méchant.

C’est ainsi que je suis rentré dans le secondaire. Je suis devenu un membre du journal de l’école et comme tout jeune de mon âge, j’ai commencé à fréquenter des filles. C’est ainsi que j’ai découvert mon côté sensible et rêveur. J’étais le petit ami idéal, toujours là pour veiller à ce qu’elle aille bien, qu’elle ne soit pas triste, qu’elle me fasse totalement confiance même si de mon côté, je n’arrivais pas à me laisser aller, marqué toujours au fond de moi-même par la figure pathétique de mon père qui ne s’était toujours pas remis de sa rupture avec ma mère. Cette méfiance et cette barrière que j’érigeais entre moi et les filles qui ont partagés ma vie, ont été les principales causes de mes ruptures. Mon détachement vis-à-vis de notre relation, ce jardin secret que je gardais perpétuellement fermé, les blessaient plus qu’autre chose. Cette rituel se répéta inlassablement jusqu’à que je décide tout simplement de rester célibataire.

C’est ainsi que je suis devenu rapidement le rédacteur du journal du lycée où je passais la plupart de mon temps avant de rentrer à la maison pour faire face à la réalité de ma vie. C’est à ce moment là que mon père tomba malade. Cela ne m’étonna même pas lorsque le médecin m’annonça qu’il s’agissait d’un cancer du foie et que s’il ne stoppait pas l’alcool, ses jours allaient être comptés. Il n’écouta ni mes remarques, ni celle du médecin et continua encore et encore de boire, se tuant sous mes yeux à petit feu.

Lors de ma dernière année au lycée, je me suis longtemps demandé s’il allait être là pour la remise de mon diplôme. Au milieu de l’année, son état empira mais il tenait bon. Il faisait beaucoup de voyage entre l’hôpital et la maison pendant les trois années qui suivirent où j’étais désormais en fac où j’étudiais le journalisme. C’est à ce moment là que je me suis particulièrement intéressé à la mode. A travers ses images qui vendaient du rêve, j’en oubliais mes problèmes à la maison. Les journées depuis tellement d’années se ressemblaient tellement.

Peu de temps après avoir obtenu mon diplôme, son état s’était empiré et il resta longtemps à l’hôpital. J’avais enfin obtenu une place de stagiaire dans un magazine de mode japonais et ma vie se définissait en quelques mots : travail, hôpital, règlement des frais quotidien d’hospitalisation de mon père, et dodo. Cela dura six mois avant qu’il ne quitte définitivement ce monde, comme s’il avait fini son combat contre la vie. A ce moment là, je me suis vraiment senti seul, désemparé et surtout totalement vide. Un vide si grand que même encore aujourd’hui je n’ai pas encore fait mon deuil. Ce père que je considérais comme un être pathétique qui s’était détruit par amour et dont j’étais à la fois, le garde fou venait de partir. Et pour la première fois de ma vie, je comprenais ce qu’il avait ressenti lorsque ma mère l’avait quitté, le livrant seul face au monde.

Contrairement à mon père qui avait préféré se noyer dans l’alcool pour oublier ce sentiment d’abandon, j’avais décidé de me battre. J’ai vendu l’appartement où mon père et moi avions vécu et j’ai demandé à mon supérieur s’il pouvait me muter ailleurs. Plus rien ne m’attendait désormais à Tokyo, je ne possédais plus aucune attache alors autant tout recommencer ailleurs. New York, Paris, Séoul, Hong Kong qu’importe où j’allais tant que je partais d’ici. C’est ainsi que je fus envoyé à Séoul, où je m’apprêtais à commencer une nouvelle vie.

C’est ainsi que je m’envolais vers Séoul, rêvant d’une vie bien différente de celle que j’avais vécu jusqu’à maintenant. Dans le vol qui m’amenait vers ma nouvelle destination, j’ai fais la rencontre de Shota, un jeune metteur en scène et réalisateur. Nous avons rapidement sympathisé et à la fin du voyage nous nous étions promis de nos revoir sous peu après avoir échangés nos coordonnées. Le destin avait frappé de nouveau à ma porte en me donnant la chance de ne pas me sentir totalement dépaysé dans ce nouveau pays. Au fil des années, il est devenu un ami avec qui je prends toujours plaisir de boire et passer la soirée avec.

Arrivé dans une nouvelle vie sans avoir rien préparé et ce que je qualifiais de très risqué et que pourtant j’avais fais. J’étais désormais à Séoul, et je n’avais aucun endroit où vivre, ni même dormir. Inconscience ? Surement mais le jeune homme que j’étais à l’époque ne pouvait plus supporter Tokyo, il fallait donc qu’il parte aussi vite que possible et c’était ce qu’il avait fait. Avec mes maigres bagages à bout de bras, j’avais décidé de me reposer quelques minutes dans un restaurant qui avait retenu mon attention le « Samwon Garden ». C'est là bas que j’ai rencontré mes premiers problèmes. Il faut dire que venir en Corée ne faisait pas vraiment parti de mes plans à la base et donc j’étais quelque peu perdu. C’est ainsi que j’ai rencontré Jin Sil. Alors que je tentais de faire comprendre à la serveuse ce que je souhaitais, surtout mal à l’aise de ne pas y parvenir moi-même, il était venu à mon aide et c’est ainsi que j'avais fait sa connaissance. Un coup du destin de nouveau j’en étais persuadé. Pour le remercier je l’ai invité à se joindre à moi pour mon repas et c’est ainsi que nous avons engagé la conversation. Il parlait très bien le japonais même s’il lui arrivait de faire des fautes mais j’étais tellement heureux de pouvoir m’exprimer sans avoir peur de ne pas être compris que je n’y faisais même pas attention. C’est ainsi qu’il me proposa de vivre en colocation avec lui. Son ancien colocataire avait déménagé et il était justement en train d’en chercher un. Encore un hasard ? Je ne sais pas mais j’étais reconnaissant envers celui-ci de m’avoir permis de rencontrer dans la même journée deux personnes qui désormais font partis des personnes que j'apprécie le plus au monde.

Fraichement installé, deux jours plus tard j’ai commencé mon job de stagiaire dans le Vogue Korean où j’étais sous la tutelle d’un grand journaliste de mode. Décidant de reprendre ma vie en main, j’écoutais attentivement tous ses conseils et même si au début j’avais toujours énormément de mal avec le coréen, petit à petit je m’y suis habitué. Après tout je devais faire l’effort de parler dans leur langue sans quoi, j’aurai été exclu par mes collègues de travail. Trois mois, on suffit pour que je m’habitude au coréen même si j’avais encore beaucoup de chose à apprendre et puis l’anglais aidant pas mal je me suis insérer dans l’équipe sans trop de mal. Après la journée de travail, mes collègues et moi avions l’habitude de sortir boire un verre pour raconter chacun notre journée qui je tiens à le préciser était toujours remplie d’événements plus inattendus les uns que des autres. C’est ainsi que j’ai fais la connaissance de Bo Ra, celle qui allait faire partie de ma vie et de mon renouement avec l’amour que je pensais pourtant avoir mis de côté. Elle était tout simplement captivante et c’était tout naturellement une attirance physique qui m’a plu en elle. On a commencé à se voir, et petit à petit il fut évident que je me suis attaché à elle, comme auparavant je la chouchoutais, faisait tout pour la rendre heureuse. On formait le petit couple parfait : jamais de dispute, juste des moments doux et sensuels entre nous. Si nous étions si bien ensemble c’est bien parce que chacun savait faire des concessions vis-à-vis de l’autre. Elle ne montrait pas sa jalousie lorsque je lui parlais des diverses mannequins ou actrices que je rencontrais, tout comme je ne montrais pas mon mécontentement lorsqu’elle me parlait de ses séduisants clients ou collègues. Notre relation a duré un an et quelques mois, avant que je ne réalise que Bo Ra n’était pas la femme de ma vie. Je ne l’aimais pas comme mon père avait pu aimer ma mère et bizarrement l’idée qu’elle pourrait avoir envie de rompre ne me peinait pas du tout.

Notre rupture était soudaine et je sais que je l’ai fais souffrir. Si j’avais pu faire autrement je l’aurais fais, seulement les sentiments des gens ne se commandent pas. J’ai du lui paraitre cruel et détaché mais pourtant j’étais sincère lorsque je lui ai souhaité de trouver enfin l’homme qui saura la rendre véritablement heureuse. Je ne l’ai pas revue depuis, et j’espère qu’elle a enfin pu trouver un autre homme qui lui fera rapidement oublier notre histoire. Je lui espère de tout mon cœur. A partir de ce jour là, je me suis mis à deux cent pour cent dans le travail, et lorsque mon sunbae est monté d’un grade, il m’a promu au poste de journaliste, ce que je suis encore aujourd’hui.

Je modifie les derniers détails de l’article et l’imprime tandis que je me lève pour regarder de ma baie vitrée, la ville qui s’étend à perte de vue sous mes yeux. A travers le reflet je me vois. Mon apparence à bien changé depuis mon arrivé, j’ai coupé mes cheveux et les ai teins en noir même s’il m’arrive de les laisser à leur couleur d’origine. Le brun-roux que je portais ne faisait pas vraiment adulte et puis je ne l’aimais plus tellement à l’époque puisque j’avais tiré cette particularité génétique de mon père. Je porte désormais des lunettes même si en temps normal je préfère porter des lentilles de contact. Mon style vestimentaire n’a guère changé cependant, en dehors du bureau, je suis a peu près la mode comme la plupart des jeunes de mon âge, même si au bureau, je porte essentiellement le strict chemise-pantalon classique que je remplace parfois par un jean lorsque je ne quitte pas le bureau pour la journée. Tiens d’ailleurs aujourd’hui je suis en chemise blanche et pantalon en coton brun puisque je dois partir sous peu, faire une interview d’une actrice qui fait sensation et donc je suis en quelque sorte le journaliste attitré. J’ai commencé mon travail de journaliste en même temps que Jung Ahn a commencé à devenir populaire. Il était donc évident qu’on était tous les deux pas très à l’aise lors de notre première entrevue. Tout deux très professionnel, un lien quelques peu particulier est venu se tisser entre nous et j’attends toujours avec impatience mes entrevues avec elle. J’aime travailler avec elle, c’est tellement reposant car je n’ai pas à lui tirer les vers du nez comme si nous étions tous les deux des amis de longue date. Cependant depuis quelques temps, je vois qu’elle est préoccupée et surtout très fatiguée. Est-ce que ses soucis sont d’origine professionnelle ou personnelle ? Aucune idée, mais si elle a besoin d’une oreille attentive, j’espère sincèrement qu’elle sait qu’elle peut compter sur moi.

L’article imprimé, je me retourne vers mon bureau tandis que je reçois un sms de sa part. Elle m’informe qu’elle est heureuse de me voir aujourd’hui comme il m’arrive souvent de lui envoyer un sms de la sorte. C’est devenu un peu ma pause détente dans ma nouvelle vie de journaliste qui me fait courir en temps normal dans tous les sens. Je lui réponds et en prenant ma veste, je quitte mon bureau avec l’article en main pour le faire superviser par la rédactrice en chef.

L’amour dans tout ça ? Et bien, je me suis fais une raison. Pour l’instant je suis parfaitement satisfait de ma vie actuelle. Je n’ai pas particulièrement envie de faire souffrir de nouveau une fille, c’est pour cette raison que je m’abstiens à toute nouvelle relation. Je souhaite seulement que j’arrive à aimer autant que mon père a pu aimer ma mère. Que notre amour soit si fort pour que jamais nous n’ayons à nous séparer en laissant derrière soi, un compagnon ou une compagne totalement détruite.